Comment ? La capitale de la France n’est-elle pas Paris ? Qu’est-ce ce fantasme de nostalgique du XVIIe siècle ou d’aristo névrosé ? Et pourtant, Versailles continue d’influencer la France et même de la gouverner…
POLITIQUE. Versailles, on est d’accord, était la capitale politique de la France du temps de Louis XIV. Mais pas seulement ! Située à seize kilomètres à vol d’oiseau du centre de Paris, elle l’a été pendant près d’un siècle, de 1682, date de l’arrivée du Roi-Soleil, jusqu’en 1789 – avec une pause lors de la régence de Philippe d’Orléans.
CC – fr.fotopedia.com
Mais le gouvernement est revenu à Versailles, de 1871 à 1879, suite à l’insurrection de la Commune de Paris. Le président Adolphe Thiers y a fait installer la Chambre des députés dans l’aile de Midi du château de Versailles, tandis que le Sénat s’installait à l’Opéra royal.
Versailles était à nouveau au centre du jeu en 1919, où le traité de paix entre l’Allemagne et les Alliés (en l’occurence France, Royaume-Uni, Etats-Unis, Italie) a été signé le 28 juin dans la Galerie des glaces. Un moyen d’effacer le souvenir de la défaite de 1870, dont la proclamation de l’empire allemand avait eu lieu au même endroit.
Versailles continua à être un lieu de pouvoir stratégique puisque de 1947 à 1958, l’élection du président de la République par les deux chambres (Sénat et Assemblée nationale) avait lieu à Versailles. Sous la Ve République, le Parlement s’y réunit en Congrès pour y ratifier toute modification de la Constitution, y écouter une audition du président de la République ou y autoriser l’adhésion d’un membre à l’Union européenne. Le dernier Congrès du Parlement à Versailles a eu lieu en 2008 pour modifier la Constitution.
HISTORIQUE. Vous l’avez compris, Versailles est la capitale historique par son histoire même, de Louis XIV à nos jours. On oublie parfois que Versailles a été le berceau de la Révolution française : c’est à Versailles que se sont réunis les Etats généraux en mai 1789, que le Serment du jeu de paume a été prononcé en juin, qu’ont été abolis les privilèges et votée la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en août, par l’Assemblée réunie en Etats généraux qui s’est déclarée entre temps constituante. Cette Déclaration des droits de l’homme a inspiré de nombreux textes similaires au XIXe siècle et encore en 1950 avec la Convention européenne des droits de l’homme.
Le Serment du Jeu de paume – Wikimedia commons
Et ce n’est pas tout : où se trouve le musée d’histoire de France, créé par le roi Louis-Philippe ? A Versailles bien sûr ! Il se situe ni plus ni moins au château, notamment la Galerie des batailles, longue de 120 mètres.
TOURISTIQUE. On a suffisamment parlé du château pour ne pas évoquer Versailles comme capitale touristique. Avec ses 6,7 millions de visiteurs en 2011 (contre 5,9 millions en 2010), le château est le 4e site le plus visité en France après Disneyland Paris, le musée du Louvre et la tour Eiffel. En 2010, l’Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles a rapporté 9,98 millions d’euros de bénéfice (cf. Rapport d’activité 2010, p. 364).
Avec un chiffre d’affaires de 59,2 millions d’euros en 2010, cela donne un très honorable taux de rentabilité de 16,85 %. Merci qui ? Merci Louis XIV ! (Bon, il est vrai que le Ministère de la Culture a donné 5,9 millions cette année-là). Et merci à tous ceux qui continuent de faire du mécénat, d’investir et d’imaginer et mettre en œuvre les spectacles du type Grandes Eaux musicales, concerts à l’Opéra royal, grandes expositions, spectacles de chevaux à l’Académie équestre dans les Grandes Ecuries du roi, bal masqué sélect et autres réjouissances.
Les Grandes Eaux nocturnes – Wikimedia commons
ARTISTIQUE. Versailles est, comme vous venez de le toucher du doigt, une capitale artistique importante, symbole du Grand Siècle (cf. le passionnant entretien que nous avions réalisé avec Emmanuel P.) qui a fait rayonner la réputation de la France dans l’Europe et le monde entier… et dont les millions de touristes, asiatiques ou non, en sont le lointain symptôme. Un exemple parmi d’autres : les jardins « à la française » sont l’œuvre d’André Le Nôtre (fêté cette année) qui édifia les jardins de Versailles, tandis que du côté de l’horticulture, c’est Jean-Baptiste de La Quintinie, créateur du Potager du roi, qui posa les bases du genre.
Bref, ce qu’on appelle « l’art de vivre à la française » avec les clichés plus ou moins fantasmés et aristocratiques que l’expression comporte (politesse, gastronomie, vêtements, promenades, etc.) semble sortir de l’imagerie versaillaise du XVIIe ou XVIIIe .
La cathédrale Saint-Louis – Wikimedia commons.
RELIGIEUSE. Versailles est une capitale religieuse. La religion majoritaire en France, le catholicisme, (56 % de la population en 2012 selon une étude du CSA), y est surreprésenté, notamment parmi les pratiquants réguliers : ils représentent 15 % des Versaillais, selon un article du Point, soit trois fois plus que dans le reste de la France (4,9 % selon l’étude CSA). Il existe plusieurs paroisses catholiques et une offre d’activités (solidarité, formation etc.) digne des grandes paroisses parisiennes. On trouve également d’autres lieux de culte.
MILITAIRE. Enfin, Versailles est une capitale militaire. Elle est le lieu d’implantation (notamment à Satory) de directions nationales, telles que celle du Service d’infrastructure de la défense (SID) et de celle du GIGN ou encore la Direction centrale du matériel de l’armée de terre, mais aussi des entreprises d’armements comme Giat Industries (Nexter group) qui embaucherait plus de 300 personnes .
On peut donc dire que Versailles garde un solide héritage d’ancienne capitale de la France, encore vivant par plusieurs aspects, tout en ayant déjà le charme de la vie de province (calme, vie de quartier, voire rues désertes : un aperçu en ces lignes.)
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