Les Prodiges de la vie

Avant d’écrire Lettre d’une inconnue (1922) et Le Joueur d’Echecs (1941) évoqués sur ce blog, l’écrivain autrichien Stefan Zweig publia en 1904, c’est-à-dire à l’âge de 23 ans seulement, une nouvelle nommée Les Prodiges de la vie. Elle raconte le destin d’un vieux peintre à Anvers au milieu du XVIe siècle, qui réalise une Madone qu’on lui a demandée. Son modèle est une jeune Juive orpheline d’une grande beauté. Une relation d’affection filiale s’établit entre les deux protagonistes ; elle est bientôt remplacée par l’amour que la jeune fille assoiffée porte au bébé modèle pour l’Enfant Jésus, alors même qu’il l’agacait au début. Alors le peintre « se sentit à nouveau proche d’un de ces éternels prodiges de la vie qui se renouvellent sans cesse : les enfants provoquent d’un seul coup le dévouement des femmes, qui de nouveau se dirige vers les enfants, de génération en génération, et ainsi ne perd jamais de sa jeunesse, mais vit au contraire deux fois, par lui-même et dans ceux qui en bénéficient. »

Mais c’est surtout l’image qui est l’objet de cette histoire, soulignant le pouvoir d’attraction qu’un tableau peut exercer et la force avec laquelle il peut rendre présent la représentation. Si bien qu’au moment du saccage iconoclaste par les calvinistes de la cathédrale d’Anvers, à la fin de l’oeuvre, la jeune Juive qui se trouvait près du tableau pour le défendre semble être sortie du tableau : les protestants croyant à une apparition commencent même à prier ! La symbolique profonde de la nouvelle est servie par une langue classique, riche et abondante. « Le lourd manteau de brume qui recouvrait la ville en cette matinée de début de printemps s’était transformé en un voile pâle, argenté, qui restait accroché comme une dentelle aux pignons des toits. » Pour un peu, un croirait voir La vue de Delft de Vermeer.

 

NB : Ce blog sera au repos dans les deux prochaines semaines, pour cause de vacances… Joyeuses Pâques à tous !

 

 

4 réflexions sur “Les Prodiges de la vie

  1. Tu as le don de donner envie de lire tout ce que tu lis 😉
    J’aime déjà beaucoup Stephan Zweig, donc je pense que je vais aller faire un petit tour du côté de ces Prodiges!
    Sur ce, passe de bonnes vacances!

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